MANIFESTE DE VIE.

 

1 - De l’Artiste à l’emballage.

Un des derniers voyages possibles, dans un monde devenu impossible par son impuissance à s’autoréguler, reste le voyage intérieur lié à une pratique artistique. Les désirs de se soustraire, à la hiérarchisation sociale, à la vie préprogrammée, d’échapper à soi-même et à la banalisation sociale, sont de puissants moteurs qui participent à la dynamique interne des artistes.
Nombreuses sont les réflexions du XX° siècle qui abordent la place de l’artiste, les fondements de sa motivation et la finalité de l’œuvre en tant qu’expression individuelle singulière et appropriation par le public. Certains ont discerné une fonction prophétique et utopique de l’artiste, d’autres évoquent un statut supérieur de l’artiste – tout comme Pythagore qui plaçait le philosophe au sommet de sa cité idéale. Support d’une contestation et (ou) faire valoir d’un pouvoir, l’humain estampillé artiste n’échappe pas plus que ses contemporains aux tendances culturelles de son époque. L’artiste n’est pas une marque indélébile, impénétrable au temps qui s’écoule… Il nécessite, comme un des dix doigts de la main, de signifier son appartenance au monde des autres.
 
L’artiste est avant tout un être qui se confronte à ses propres limites qui sont aussi celles de ses contemporains : le temps biologique, le temps social, l’absence de temps que sont l’oubli de soi et la mort.  Il peut être tout cela. Mais, il peut aussi se vautrer dans les emballages d’aujourd’hui : la réussite sociale, la mise en avant égotique, le suivisme créatif…Ainsi, posé sur le piédestal de la singularité, l’artiste peut être aussi l’ombre de lui-même…

Chacun de ces nombreux éléments participe à la récréation du monde et du mystère qui s’en dégage : sentiment profond de l’étrangeté d’être en vie qui se manifeste quand les impératifs du corps liés inexorablement à la vie économique nous offrent un répit…L’artiste possède intrinsèquement une fonction liée au mystère : fonction invisible, intériorisée d’où peut sourdre la transgression politico sociale et la recherche identitaire ainsi que le conformisme de bon aloi tel ces abécédaires formels qui composent une œuvre à partir des matériaux des autres. « Suis-je ce que je vois ? ou suis-je l’empreinte des autres ?».

Porteur électrifié du mystère de la vie, l’artiste participe aux marées océanique de la vie. Naissance et mort, sont les tempos de la création. À trop chercher à vouloir expliquer un statut de l’artiste, à tendre de le rendre perméable à une idéologie, l’on risque de dénaturer sa fonction initiale. Il existe une part d’inexplicable dans l’acte créateur. De même quand on cherche à expliquer l’origine du monde une part de mystère demeure malgré les frontières du connu qui sont sans cesse repoussées. Nous abordons rarement le mystère initial. Ce dont nous parlons le plus souvent ce sont des emballages dont chaque société, chaque idéologie, chaque personne l’habille.

 

 

VILLE POTAGER.
2 - l'Emballage et la ville.
– l’Urbanisme et la ville de STAINS.

 

A l’image d’un potager, une ville se dessine dans le temps, évoluant selon des  cycles urbanistiques. Au sein d’un potager, les légumes, fruits évoluent selon le cycle des saisons. Certains légumes disparaissent prématurément, d’autres esquissent un développement avant de végéter et enfin, certains perdurent et arrivent à maturité. Il en est de même d’une ville. L’agglomération de Stains s’inscrit dans un parcours historique et contemporain de l’architecture. Ce cheminement se traduit par des réalisations induites par des courants de pensées qui ont tous ce point en commun : penser l’habitat pour autrui. Ainsi, les cités jardins prennent racines autour du concept généraliste de la ville idéale, développé notamment au 19ème siècle par Charles Fournier et ses phalanstère et poursuivi par Ebenezer Howard qui s’oppose à l’urbanisme industriel polluée et dont on ne contrôle plus l’expansion, constations qu’il observait à la fin du siècle de Charles Dickens.
L’ensemble d’Emile Aillaud dans le quartier du clos, repose sur l’idée des années 70 «  changer la ville pour changer la vie » ; déclinaison du concept antérieur des Cités Jardins. D’autres formes d’édifices d’habitations collectives postérieurs à ces réalisations tirent les leçons du passé en proposant des solutions d’habitats à échelle humaine. Ce n’est pas le cas de l’architecture fonctionnaliste des années soixante qui repose sur un pragmatisme économique afin de loger le plus grand nombre de personnes. Quoiqu’il en soit des solutions retenues, en fonction des besoins et des modes culturelles, la manière dont s’approprie l’habitant son espace vital reste prédominante : la nostalgie qu’éprouve une collectivité à la disparition d’un présent qui se transforme en poussière lors de la destruction d’ilots urbains en est un exemple…
De même que la lumière nourrit un potager, la lumière de la ville, la nuit venue, crée une poésie singulière selon les lieux et les déambulations de chacun. Le travail que nous entreprenons avec Jean Pierre Lourdeau traite de cette confrontation identitaire de la ville de Stains : ombre et lumière, habitat individuel et habitat collectif, béton et Jardins qui se complètent ou s’opposent au sein de la commune.  
La cité-jardin, Howard Ebenezer la définie par les principaux points suivants :

  • Une maîtrise publique du foncier (ce dernier appartient à la municipalité afin d'éviter la spéculation financière sur la terre) ;
  •  Une densité relativement faible du bâti (environ 30 logements à l'hectare.)
  • La présence d'équipements publics situés au centre de la ville (parcs, galeries de commerces, lieux culturels) ;
  • La maîtrise des actions des entrepreneurs économiques sur l'espace urbain : les habitants se prononcent sur la présence d’une entreprise dans la ville…

Une certaine idée de la ville qu’il reste à poursuivre…

 

VIDEOGRAPHIES.
3 - LE DEBALLAGE:

–  Destin Individuel, Destinée Collective et les arts visuels.

Dans le travail entrepris avec Jean Pierre Lourdeau, sur la ville de Stains –ville bicéphale avec un cœur qui respire les cités jardins, architecture exemplaire de l’entre deux guerre, et des poumons qui ont respiré les idéaux des trente glorieuses, nous n’étions pas dans un esprit de reportage ni dans celui de rendre des comptes en positif ou en négatif sur la ville. Une certaine forme d’ouverture était caractéristique des responsables de la commune et nous avons pu mettre en œuvre nos regards sur la ville sur un tempo ternaire. Les deux premiers Temps en sont l’habitat individuel et habitat collectif ;l’urbanisation intense et les Jardins des cités qui donnent une identité singulière à la commune. Le troisième Temps en est les histoires qui naissent au sein de ce monde.  
 Notre travail sur la ville de Stains racontent avant tout des histoires individuelles liées inexorablement au devenir du collectif : il s’agit souvent d’identités doubles – tout comme la ville- qui cherchent leur unité indispensable à leur survie.

Les vidéographies entrepris durant cette résidence sont organisées autours de ce fil conducteur.
« Voyage – des Nuits Urbaines aux Cités Jardins » montre, à partir des lumières nocturnes qui inondent la ville, les oppositions entre ses composantes : architecture de prestige, architecture pour le plus grand nombre, Jardins et Graphes… Une part d’ombre au sein des lumières de ville. 
« Les raisins de la vie » nous racontent deux perceptions clés de l’individu et de son environnement : le dehors et l’intérieur. En effet, deux choses ne changent pas pour l’habitat qu’il soit parisiens, stainois ou versaillais, d’une résidence, d’un palais ou d’une d’habitation à loyer modéré :  l’humanité d’aujourd’hui vit pour une part dedans- l’intérieur de chez soi…, et dehors – l’extérieur… La relation entre ces deux mondes est aujourd’hui complexe.
« HOMs CHOUx » est un film au caractère expérimentale, entre effets spéciaux et film documentaire. En empruntant une narration cinématographique usuelle, il trace d’autres chemins ou les mondes intérieurs et les mondes onirique individuels et sociales prennent tout leur importance. Cet Homme vit dans une maison de la cité jardin. Il perd son travail et s’interroge sur lui même et sur son environnement : il connaîtra la métamorphose du Chou… cela sera le changement impératif pour qu’il puisse rencontrer d’autres créatures comme lui…ce qui offrent un panoramique des idées, des vécus d’aujourd’hui sous la forme d’entretien à bâton rompus…

En mode de présentation, deux choix ont été fait : le premier est une projection classique des vidéos sur une surface ou volume (« Voyage – des Nuits Urbaines aux Cités Jardins »). Le second est un montage communément appelé installation où sont projetés des vidéos qui ne sont pas à la même échelle sur une toile luminescente : support indépendant et tout à la fois complémentaire. Cet ensemble qui image parfaitement le concept Circus Noctambulis est un environnement visuel et sonore qui lie le passé et la plus récente modernité au sein d’une même structure : au sein d’une même œuvre.

 

La culture la plus moderne n’a de sens que si on la connecte à son passé. Ainsi les montages vidéo numériques sont projetés sur une toile utilisant la technique de la fresque du XV° siècle et d’autres technique picturale utilisées au cours des siècles suivants. Cette Grande toile donne à voir plusieurs lecture selon la qualité de la lumière : elle a été conçue avec un matériel qui se retrouve dans sa restitution en public : un matériel de programmation et d’éclairage théâtrale et muséale. À l’intérieur de la structure porteuse de la toile, on retrouve des outils comme les lanternes magiques du XIX° siècle et d’autres projection de lumières- formes.
Comme une histoire sans fin HOMs CHOUx – les vidéos- s’intègre et relance les lectures picturales de l’œuvre initiale.  

 

 

Jac Lesser. 2009-Mars 2011.